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En plus de leur activité de community manager, vidéaste, graphiste, performeuse et businesswoman, les modèles qui travaillent sur OnlyFans doivent gérer la concurrence d’influenceuses bien plus populaires qu’elles. Plongée de l’autre côté du miroir du glam’.

« Je ne compte pas vraiment mes heures, mais je dirais que la gestion de mes communautés de fans sur les réseaux me prend une demi-journée tous les jours, week-end compris. Le reste du temps, je dois aussi gérer mes shootings photo, les retouches, les tournages, arranger mes décors, acheter du matériel et bien évidemment répondre aux centaines de messages que je reçois quotidiennement… » Ce discours qui semble tout droit sorti de la bouche d’une startupeuse en pleine croissance est en fait tenu par PiaLora, modèle de photo érotique sur les réseaux et petite copine virtuelle de près de 500 clients.

Comme 450 000 autres travailleuses du sexe, cette jeune fille tatouée officie principalement sur OnlyFans, « l’Instagram porno » qui permet à n’importe qui de vendre du contenu contre un abonnement payant. Devenue très populaire au cours du premier confinement, la plateforme  se traine une double réputation. D’un côté, l’application est vue comme un outil émancipateur pour des femmes voulant faire le commerce de leur personne, sans dépendre de boîtes de production véreuses. De l’autre, le réseau est de plus en plus décrié par ses utilisatrices qui doivent sans cesse s’adapter aux changements de règles, aux contraintes de visibilité et à un système de promotions entre modèles qui s’apparente presque à un système d’arnaque pyramidale.

Les migrations des modèles de charmes

Pour pratiquer son métier, PiaLora doit gérer plus de réseaux sociaux qu’un community manager classique. Il y a bien évidemment l’application OnlyFans sur laquelle elle diffuse ses photos et des vidéos érotiques. À cela s’ajoute TikTok où elle réalise des petites vidéos de danses rigolotes, Instagram, où elle poste gratuitement des photos érotiques plus soft, Facebook et bien évidemment Twitter qui sert de carrefour et de page promotionnelle pour l’ensemble de cette toile médiatique.

Mais ce n’est pas tout. En cinq ans de métier, PiaLora a changé plusieurs fois de plateformes. « J’ai fait mes débuts comme modèle pour suicidegirls.com, indique-t-elle en évoquant le célèbre site internet publiant des photos érotiques de femmes tatouées et percées. C’est là que j’ai forgé ma communauté. Ensuite, j’ai poursuivi sur Patreon qui était l’une des rares plateformes de financement à autoriser les photos de nu. Mais elle a fini par changer ses règles de remboursement à notre désavantage. Les internautes pouvaient s’abonner, se rincer l’œil puis demander des remboursements. À partir de là, j’ai déménagé sur OnlyFans ».

En concurrence avec des influenceuses

Lancé en 2016 par le Britannique Tim Stokely, PDG de la mystérieuse Fenix International Ltd, OnlyFans a vraiment été conçu pour les travailleuses du sexe. Ce n’était d’ailleurs pas le coup d’essai de Tim qui avait créé d’autres sites spécialisés comme Customs4U.com sur lequel les utilisateurs pouvaient payer des stars du porno en échange de vidéos personnalisées. Utilisé de manière discrète par des cam girls, des escorts, ou même des étudiant.es à la recherche d’argent de poche, l’application va rester pendant longtemps sous les radars du grand public.

Cependant, en octobre 2018, Leonid Radvinsky, le propriétaire de MyFreeCam,acquiert 75% de Fenix International Ltd va propulser l’application dans la culture mainstream. En plus des gogos danseuses et des stars du porno qui s’inscrivent pendant le confinement, l’appli va aussi attirer des influenceurs lassés des restrictions d’Instagram. Dans le podcast 2 Girls 1 Podcast, spécialisé sur les cultures du web, Allie Eve Knox, utilisatrice de longue date de l’application, explique avoir vu débarquer le petit monde du fitness et des stars de séries et de téléréalité. Et si ce type de personnages permet d’attirer un plus grand public, elles ont aussi largement changé les règles de la plateforme.

Comme sur Patreon ou la plateforme de newsletter Substack, OnlyFans ne propose pas vraiment d’onglet d’exploration. Contrairement à un Instagram ou bien un site X, il est très difficile de naviguer parmi les centaines de milliers de profils et il vaut mieux connaître le nom de la personne que l’on cherche à l’avance. C’est pour cette raison que la plupart des modèles comme PiaLora assurent leur présence sur les autres réseaux sociaux et notamment sur Instagram et Twitter. Mais il existe d’autres moyens pour faire sa promo sur la plateforme. Le premier consiste à faire des parrainages, organisés par l’application elle-même. « Quand on reçoit de l’argent de la part de nos abonnés, OnlyFans prélève 20%, explique PiaLora. Mais quand on est parrainé par un autre modèle, la plateforme partage la moitié de la commission avec elle en échange de visibilité ».

Arnaque pyramidale

Très populaire, ce système qui garantissait des revenus réguliers aux marraines qui savaient repérer des profils en croissance a finalement été limité à un an en mai 2020. Qu’à cela ne tienne, un autre système alternatif s’est installé depuis. « Ça s’appelle le story for story ou share for share, explique PiaLora. Ça consiste à poster sur son compte des images d’une autre fille sur son profil pendant qu’elle fait de même avec mes photos. Bien souvent, on se retrouve avec des influenceuses qui ont une plus grosse communauté et qui vont demander de l’argent en échange de visibilité sur leur profil. » Ce système qu’elle trouve assez peu avantageux est d’ailleurs qualifié de « jeu d’argent » par Allie Eve Knox qui indique que les résultats sont bien souvent aléatoires en termes d’abonnements supplémentaires. Cela n’empêche pas ce système d’exister et de prendre la forme d’une pyramide de Ponzi où des influenceuses ayant la communauté la plus grande, exploitent celles qui sont en dessous d’elles. C’est notamment le cas de la star Blac Chyna qui pratique aussi cette technique sur Instagram (il en coûte la modique somme de 250$ pour être suivi par elle).

Autre dégât collatéral, le prix des transactions pour les demandes personnalisées (des photos ou des vidéos) a été plafonné à une cinquantaine de dollars tandis que les pourboires sont limités à 100 dollars. Cette mesure a été mise en place en septembre dernier après un scandale provoqué par l’actrice Bella Thorne. Après avoir promis des photos dénudées contre des sommes allant jusqu’à 200 dollars, cette dernière n’a finalement fourni que des images bien moins hardcore que celles qui étaient attendues par sa clientèle. Accusée d’avoir arnaqué ses clients, la plateforme a donc été obligée d’instaurer ces nouvelles règles, au grand dam des modèles qui dépendaient beaucoup de ces ventes. « Les gens ne se rendent pas compte des investissements que notre activité représente, précise PiaLora. Il faut payer des appareils photo, des logiciels de retouche, de la lingerie, des décors de tournages. Contrairement aux stars qui viennent ici, beaucoup de filles dépendent d’OnlyFans pour vivre. Elles, n’en n’ont pas vraiment besoin. » Malgré ces difficulté, elle garde un avis partagé sur cette plateforme qui a révolutionner le milieu du porno. « D’un côté, OnlyFans est tenu par des hommes et instaure une forme d’exploitation, précise-t-elle. Mais de l’autre, son fonctionnement a permis à beaucoup de femmes de devenir indépendantes. C’est toujours très paradoxal. »

Chercher de nouveaux horizons

Malgré une image glamour, OnlyFans déçoit de plus en plus les utilisatrices qui dépendent de la plateforme. En plus de la concurrence déloyale des influenceuses et du travail intense de community management, il faut aussi gérer le nombre fluctuant d’abonnés qui peut varier pendant au fil des saisons. « En ce moment j’ai 480 personnes qui sont abonnées qui me suivent, explique PiaLora. Il y a quelques mois j’étais plus près de 520. Mais avec les fêtes de fin d’années, les gens ont moins d’argent à dépenser, c’est normal. »

Pour maximiser ses revenus et trouver conditions de travail plus stables, elle tente de migrer sur TOP4Fans, une alternative à OnlyFans. « Ils ne prennent que 10% de commission, les transactions, sont en euros et non en dollars et ils permettent le payement via Paypal Access ce qui permet aux hommes mariés qui achètent du contenu de rester discret (Ndlr : les transactions via Paypal ne sont pas détaillées sur les factures). » Créée pour les modèles masculins, la plateforme est de plus en plus utilisée par des femmes à la recherche d’un système plus rentable. Ce n’est d’ailleurs pas la concurrence qui manque. JustForFans, ismygirl, FanCentro, MyTribe, Manyvids, sont autant de plateformes qui aimeraient bien prendre la place d’OnlyFans qui attire toujours plus d’utilisateurs. Celle qui proposera les conditions de travail les plus équitables remportera le gros lot.

 

Article publié par  Le 17 DÉC. 2020

source : https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/sur-onlyfans-camgirls-face-concurrence-deloyale/

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